Face à la montée des coûts dans le secteur judiciaire, le recours à l’intelligence artificielle (IA) pour les traductions est envisagé comme une solution. Mais cette proposition suscite des débats entre impératifs économiques, exigences éthiques et contraintes pratiques.
Un coût qui pèse lourdement sur la justice
Le budget alloué à la justice en France atteint près de 12 milliards d’euros en 2025, et les frais liés à la traduction représentent une part importante et croissante. Interprètes pour l’oral, traducteurs pour l’écrit : ces professionnels jouent un rôle clé dans les tribunaux et les services de police, notamment avec l’augmentation des flux migratoires. Pourtant, leur travail est onéreux, ce qui pousse certains, comme Béatrice Brugère, secrétaire générale du syndicat Unité, à préconiser l’usage de l’IA pour réduire les dépenses.
Les promesses et les limites de l’IA
L’IA pourrait être utile pour traduire des documents courts et répétitifs, notamment grâce à des outils déjà en usage. Cependant, les experts traducteurs mettent en garde contre des risques majeurs. L’IA, en dépit de ses prouesses, est incapable de garantir une traduction fiable dans des contextes complexes. Elle manque de la sensibilité et de la compréhension nécessaires pour adapter les textes à des nuances culturelles et juridiques spécifiques.
L’utilisation d’IA dans ce domaine pose également un problème de confidentialité, essentiel dans les dossiers judiciaires. Anonymiser les informations ne suffit pas toujours à éliminer les risques de fuite ou d’erreurs graves, qui pourraient avoir des conséquences dramatiques.
Une problématique éthique et déontologique
L’utilisation de l’IA pour les traducteurs assermentés va à l’encontre de leur serment d’accomplir leur mission en leur âme et conscience. La machine, même efficace, ne peut remplacer le jugement humain. Pire encore, les traductions générées par IA, souvent imparfaites, nécessitent une post-édition approfondie, parfois plus coûteuse et complexe que la traduction initiale.
Le droit, une affaire humaine
Dans le domaine de la justice, où la précision est cruciale, confier des traductions à des machines soulève des questions de confiance. Si l’IA peut être un outil précieux pour épauler les traducteurs, elle ne peut remplacer leur expertise. Comme le rappelle Caroline Subra-Itsutsuji, expert traductrice : « Le droit et la justice traitent avant tout de la condition humaine. » Faire des économies au détriment de cette exigence risque d’affaiblir la qualité du système judiciaire.
Le débat reste ouvert, entre espoir d’innovation et nécessité de préserver l’intégrité de la justice.