Depuis quelques jours, les médias et sites internet russes font l’objet de blocage ou de restriction sur Internet. Craignant une coupure générale du réseau sur son territoire en cas d’escalade, la Russie étudierait actuellement la mise en marche de son Internet souverain baptisé Runet. Elle a déjà effectué des tests concluants sur cet espace cyber en 2019 et 2021.
Sur demande de l’Union européenne et des Etats Unis, les géants du web américains comme Meta, Google, YouTube, Twitter, Instagram et TikTok ont limité l’accès à leurs plateformes aux médias russes afin de contrer la propagande de Moscou. Il s’agit notamment de Russia Today (RT) et Sputnik qui émettent dans les pays occidentaux. L’Ukraine a également écrit une lettre à l’Internet Corporation for Assigned Names and Numbers (Icann) pour exiger une exclusion de la Russie du système Internet mondial.
L’Ukraine demande une coupure d’Internet en Russie
L’exclusion de la Russie de l’Internet mondial implique la suppression de l’accès aux serveurs de noms de domaines. Ce qui empêcherait les FAI (fournisseurs d’accès internet) nationaux de communiquer avec les systèmes extérieurs connectant les internautes aux sites web. Même s’il semble peu probable que l’Icann réponde favorablement à la requête de l’Ukraine, la Russie aurait commencé à se préparer à la déconnexion de l’Internet mondial. Elle s’apprêterait à lancer son propre espace cyber, Runet.
Runet est un réseau local interne construit par la Russie pour garantir sa souveraineté numérique. Le Centre de surveillance du réseau de communications publiques (TsMU SSOP), une division de Runet, a déjà été placé en mode alerte élevée afin de lancer le projet à tout instant. Aussi, coopère-t-il actuellement avec le Centre national de coordination des incidents informatiques (NCCCI). Objectif : répondre systématiquement et efficacement aux cyberattaques, ainsi qu’à une coupure générale du réseau dans le pays.
L’œuvre du Sovereign Internet Bill
Moscou a déjà effectué avec succès plusieurs tests de déconnexion de l’Internet mondial, notamment en fin 2019 et à l’été 2021. Lors de ce dernier essai, qui a duré du 15 juin et 15 juillet, le gouvernement a observé un fort ralentissement de l’accès aux réseaux sociaux comme Twitter et Facebook. Ces tests grandeur nature s’appuient sur la loi dit de « souveraineté d’Internet » ( « Sovereign Internet Bill ») votée en mars 2019 par le Parlement russe (Douma). Cette réglementation accorde au gouvernement le pouvoir de débrancher le pays du reste d’Internet, officiellement pour des questions de sécurité nationale.
Runet pourrait conduire à des dérives
Le Sovereign Internet Bill donne aussi au Kremlin le pouvoir de bloquer des sites diffusant des « fake news ». Ou des messages allant à l’encontre des intérêts de l’Etat. Ou encore utilisant des termes non admis par le gouvernement. Par exemple, Moscou interdit en ce moment d’utiliser le mot « guerre » pour parler ce qui se passe en Ukraine. Il préfère l’usage dans la presse de l’expression « opération militaire spéciale ». Il a déjà sanctionné des médias faute de ne pas l’avoir pas employée. A la lumière de ces faits, les ONG des droits de l’Homme craignent une restriction d’Internet et donc des libertés en Russie.